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De l’individu seul à la supercolonie

           Alors que la plupart des espèces animales ont un mode de vie solitaire, certaines ont choisi de vivre en société .Ce mode d’organisation, né à l’ère secondaire (-245 à -65 millions d’années), existe à des degrés très divers. Le stade considéré comme le plus avancé est l’ eusociabilité, regroupant notamment les fourmis, mais aussi les guêpes, les abeilles, les termites et même quelques vertébrés comme le rat-taupe. Les trois critères de l’eu socialité sont le partage des tâches de production, l’élevage en commun des jeunes sur un même site et la coexistence au sein de la société d’au moins deux générations.

           Les fourmis doivent leur réussite écologique à une exceptionnelle aptitude à coopérer ensemble au sein de la colonie. Une faculté qui leur vient  de leur système hyper organisé : dénué d’autorité centrale. Il impose, en effet , à chaque individu d’œuvrer  inlassablement à la survie  et à la prospérité du groupe.

Cependant , cette organisation ne s’est pas faite en un jour, il a fallu plusieurs millions d’années pour que les fourmis s’organisent en société.

Introduction

           Tout d’abord, il faut savoir que lorsque les fourmis, lointaines descendantes d’une guêpe sauvage et solitaire, la thiphiide, sont apparues (il y a 120 millions d’années) les termites avaient déjà commencé à coloniser la Terre. Ainsi, les fourmis qui n’étaient pourvues ni de grosses mandibules, ni de dard, petites et chétives, comprirent qu’il était dans leur intérêt de copier les  termites. Il y a 100 millions d’années, sont apparues les premières sociétés de fourmis.

 

Les fourmis créèrent donc leur village, bâtirent  des cités grossières et l’inévitable se produisit, la guerre termite/fourmis commença. Au début, les termites, plus expérimentées, gagnaient tous les combats. Cependant, les fourmis s’adaptèrent et découvrirent par exemple les jets d’acide formique et ainsi, marquèrent un avantage décisif.

Les premières sociétés de fourmis

construction de la fourmilière

Au début, toutes les fourmilières sont petites. A mesure que le nombre d’ouvrières augmente, la fourmilière s’agrandit, les fourmis sentent très vite si la température de leur nid est trop basse ou trop élevée. S’il fait froid dehors, elle bouche tous les orifices afin que l’air glacée ne pénètre pas ; quand il fait trop chaud à l’intérieur, elles élargissent les entrées pour laisser la chaleur et augmenter la ventilation.

Au centre de la fourmilière, on trouve en général une vieille souche d’arbre rongée par les fourmis. Elle est recouverte d brindilles, d’aiguilles de conifères et de feuilles séchées. Des branches et de plantes sont disposées tout autour de la souche. C’est là que se trouvent les chambres occupées par les larves et les nymphes qui sont de jeunes insectes à différentes phases de leur développement. Plus la fourmilière s’agrandit, plus les matières travaillées deviennent fines.

La couche extérieure de protection se compose uniquement d’aiguilles de conifères. Sous le dôme, les fourmis ont creusé des couloirs et des chambres dans lesquelles elles soignent les oeufs et les petites larves. La fourmilière héberge aussi d’autres insectes parasites :

· Pucerons

· Culture de champignons

L’organisation de la fourmilière, mot d’ordre : coopérer

Zone de Texte: Les fourmis élèvent leurs pucerons tel du bétail : elles le protègent des prédateurs et parfois l’invite même à rejoindre une « étable » qui se situe généralement dans la partie supérieure de la fourmilière. 
Zone de Texte: Les fourmis sont également de très bonnes agricultrices, afin de pallier à une éventuelle famine, elles réservent une galerie qui leur sert de champignonnière.

La vie dans la fourmilière

 

L’organisation de la vie dans la fourmilière repose sur la solidarité. Quotidiennement, les ouvrières remplissent, en effet, leur mission avec le même engagement ; tandis que les majors (ouvrières soldates) montent la garde, les minors récoltent de la nourriture, entretiennent le nid…Autant de missions essentielles à la prospérité de la colonie, dont le succès repose sur l’entraide permanente entre les ouvrières. Chacune ne semble avoir qu’une raison de vivre : la survie de la colonie. Leur organisation repose sur un élément fondamental : la répartition des tâches de production. Les ouvrières, stériles, n’ont d’autre solution que de coopérer entre elles pour assurer la survie de la reine, seule apte à procurer une descendance à la colonie.

Les ouvrières utilisent cette aptitude à coopérer pour assurer l’approvisionnement. Dans la fourmilière, la reine et les larves doivent, en effet, être nourries en permanence et les ouvrières fourrageuses ont ici pour mission de partir en quête de nourriture et de la rapatrier au nid au plus vite, avant qu’un autre animal ne s’en empare. Sur de vastes étendues, seule une stratégie collective peut venir à bout d’un tel défi.

Ce sont bien les stratégies qui ont permis aux sociétés de fourmis de se développer jusqu’à basculer dans un véritable âge industriel de la coopération. Cette coopération a lieu sans le moindre dysfonctionnement car il n’y a pas de chef chez les fourmis, tout se gère à l’échelle de l’individu.

 

1 : dès qu’un ennemi arrive, les artilleurs pointent leur abdomen vers lui et projettent un jet d’acide

2 : exposés en plein sud, les œufs de la reine y mûrissent à une température maintenue à 38°C

3 : elle est garée par des concierges qui les bouchent avec leur tête plate, pour pouvoir passer, les autres fourmis doivent les tapoter le leur antennes selon un rythme précis, sous peine de se faire massacrer

4 : les fourmis se servent de vieilles souches d’arbres pour en faire les fondations de la fourmilière

5 : les éboueuses y jettent les cosses de graines, les carapaces vides de leur gibier et les fourmis mortes de la colonie

6 : à la moindre alerte, les soldates sont prêtes à intervenir. Parfois, elles s’entraînent à des duels simulés

7 : composé de brindilles, d’aiguilles de pin, il protège la cité du froid, de la pluie et de la neige. Ce revêtement a le rôle d’un régulateur thermique et climatique. Les ouvrières l’entretiennent en permanence

8 : les pucerons émettent une sécrétion sucrée, le miellat. Les éleveusent les traient en pressant leur ventre avec leur antennes

9 : le gibier y est conservé (coléoptères, mouches, sauterelles…)

10 : les meulières moulent les graines et en forment de minuscules boulettes qui servent de pain aux fourmis

11 : les ouvrières lèchent les larves et les nymphes avec leur salive antibiotique qui les préservent des maladies et des parasites

12 : les fourmis, immobiles, y vivent au ralenti quand la température extérieur descend au dessous de 10-12°C, à leur réveil, elles nettoient la cité
13 : feuilles et brindilles y fermentent pour produire de la chaleur (20-30°C). C’est le chauffage central de la cité

14 : les œufs de la reine y sont triés et entreposés selon leur date d’arriver

15 : la reine y pond ses œufs. Elle est entourée de servantes qui sont chargées de la nettoyer et de la nourrir.

Le vol nuptial, un moment crucial

           L’épisode annuel du vol nuptial, lorsque les mâles et les femelles prennent les airs, est très important. Chaque reine, fécondée par plusieurs mâles (dont elle conserve plusieurs années les semences dans une poche de son abdomen), se coupe alors les ailes et creuse en trou dans le sol, fondant ainsi sa propre colonie. Elle n’engendre au début que des ouvrières, puis des mâles et des reines vierges apparaissent, et s’envolent bientôt pour le premier vol nuptial de la colonie.

 

Les supercolonies

C’est un phénomène unique dans l’ordre du vivant :

au lieu de se combattre, des espèces différentes de fourmis s’associent désormais pour former des colonies de milliards d’individus, lesquelles envahissent de plus en plus le monde. Il en a été découvert une au Japon, une supercolonie de Formica yessensis, sur la côte d’Ishikari au Hokkaido, qui se compose de 306 millions d’ouvrières et 1 080 000 reines vivant dans 45000 fourmilières reliées ensemble à travers un territoire de 2,7 kilomètres carrés. Il existe aussi en Europe des colonies géantes de fourmis d’Argentine :

Zone de Texte: Ce fossile d’une fourmi prisonnière de l’ambre témoigne de l’ancienneté de leur apparition.

L’épisode se répète au fil des ans, jusqu’à la mort de la reine (5 ans en moyenne). La colonie décline alors rapidement et meurt à moins qu’elle ne soit polygyne (dotée de plusieurs reines). Elle est alors virtuellement immortelle. C’est généralement le cas des supercolonies.

La fourmi d’Argentine en Europe

Elle a involontairement été introduite dans les années 20 en Europe, via les bateaux qui effectuaient les liaisons transatlantiques. 80 ans plus tard, sa supercolonie inquiète : ses ouvrières sont très agressives, omnivores, équipées de mandibules tranchantes, d’un venin et de composés chimiques défensifs. Ces facultés, amplifiées par le nombre d’ouvrières, leur permettent d’éliminer localement les fourmis européennes. Mais les supercolonies ne sont pas seulement une affaire de nombre, elles inventent un mode d’association unique entre différentes colonies qui, d’ordinaire, se livreraient bataille. Au sein d’une supercolonie, ouvrières et individus sexués de nids différents, se côtoient sans agressivité et passent d’une fourmilière à une autre, sans doute parce qu’ils ont perdu la faculté de reconnaître certaines signatures chimiques. Ainsi, chaque reine, une fois fécondée, s'en va fonder un nouveau nid à quelques dizaines de mètres de sa fourmilière. Un nid abritant une dizaine de reines peut alors bourgeonner en autant de nouvelles fourmilières, ce qui constituera la supercolonie.

Pour l’heure, les supercolonies restent rares parmi les quelques 12 000 espèces de fourmis recensées. Néanmoins, toutes les fourmis connues pour envahir de nouveaux territoires en y provoquant des dommages, adoptent une organisation supercoloniale.

Conclusion

 

           De la guêpe solitaire qui a commencé, il y a 120 millions d’années, à ramener ses proies à l’endroit où grandissait sa progéniture, aux colonies et supercolonies de fourmis, le mode de vie de la fourmi a beaucoup évolué, lui permettant de traverser les différentes périodes de l’histoire depuis plus de 100 millions d’années. Cependant, cette organisation en société n’est pas la seule responsable de cette survie. L’évolution de l’organisme de la fourmi est aussi un facteur de réussite.